Le Conseil fédéral de la FGF-FO, réuni les 26 et 27 mars 2008, a mis au cœur de ses débats la révision générale des politiques publiques. Vous trouverez ci-joint le compte-rendu de sa réunion. Même si vous ne partagez pas les mêmes positions syndicales, lisez ce compte-rendu selon lequel la RGPP pourrait avoir pour conséquence la disparition du statut actuel de la fonction publique.
« Paris, le 2 avril 2008 – Fédération générale des Fonctionnaires de Force Ouvrière
Réalité ou fiction ???
Préalable :
Les agents publics sont confrontés à la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP).
Les services publics, que la République a construits pour assurer l’égalité des citoyens, sont en danger !
Dans toutes les structures syndicales FO, l’inquiétude gagne du terrain compte-tenu de la réalité des propositions gouvernementales.
En conséquence, FO vous livre une vision – réalité ou fiction – de ce que seront les services publics en 2012. A vous d’informer largement, autant les citoyens que les agents publics, avant l’inéluctable !
Réalité ou fiction ??? : voilà à quoi aboutiront les décisions prises dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP)
« NOUS SOMMES LE 1er JANVIER 2012
Le service public républicain n’est plus !! »
« Lors de ses vœux télévisés du 31 décembre 2011, le Président de la République est longuement revenu sur le bilan de sa restructuration du service public et des politiques publiques. Il s'est félicité de cette politique, rejetant les critiques sur les conséquences en terme de qualité du service public et du service rendu aux citoyens en particulier les plus modestes.
La révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée en juillet 2007 sous couvert de modernisation des services publics, n'avait en fait pour objectif que la réduction par tous les moyens possibles des dépenses publiques de l’Etat d’ici 2012 au plus tard. Les décisions qui en ont résulté, annoncées par le Président de la République lors du conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 se sont révélées dévastatrices pour le service public et pour les citoyens.
Jamais concertées, jamais débattues, ni au Parlement, ni avec les élus locaux, ni avec les organisations syndicales, ces décisions ont été élaborées en catimini par quelques hauts fonctionnaires et des conseillers privés (dont certains étaient directement intéressés par la privatisation de missions de l’Etat du fait de l’activité, passée et à venir, de leurs sociétés). Renforcées par le Rapport Silicani « service public 2012 » d'avril 2008, elles ont été mises en place à marche forcée.
Elles ont entraîné des réductions massives de moyens, de missions et de services, sans s’intéresser aux conséquences pour les citoyens, afin de permettre de justifier la suppression de plusieurs centaines de milliers d’emplois publics lors du budget triannuel de l’Etat pour 2009/2011.
Du « service public »… aux services aux usagers :
Cela s’est notamment traduit par la création en 2008 et en 2009 de nombreuses nouvelles « agences » pour remplacer les administrations et les services de l’Etat. Il s'agit de véritables « centres de profit » dont la ressource budgétaire publique est limitée mais qui se créent leurs propres sources de revenus par la tarification de « leurs services » à l'usager : « Agence France emploi » / « Agence pour le prélèvement de l’Impôt » (proposition du rapport Attali de 2008, mis en œuvre en 2010) / « Agence Route de France » / « Agence commerciale du permis de conduire » / « Agences Régionales de Santé » / « Agence Biodiversité » / « Agence Vétérinaire » / « Agence Voies Navigables » / transformation des écoles primaires en Etablissements Publics d’Enseignement Primaire / suppression des musées nationaux au profit d'une filiale privée « La Réunion des musées » / etc…
Désormais, une centaine d’établissements aux statuts hétéroclites et disparates sont chargés, sur des domaines dédiés, de faire fonctionner non plus le service public, mais différents services au public - client.
La puissance publique ne peut plus fonctionner : en quatre ans plus personne ne s’y retrouve avec toutes ces entités administratives indépendantes différentes, au fonctionnement autonome et souvent opaque faute d’une tutelle et d’un contrôle dont l’Etat n’a plus les moyens ni les compétences. Il est impossible de rendre compte budgétairement du coût final du nouveau « service public » français. Au niveau territorial, l’action publique n’est plus pilotée et il n’y a plus aucune cohérence d’ensemble. La multiplication des agences, se comportant comme autant d’Etats dans l’Etat, chacun recréant sa propre administration, a entraîné de véritables conflits de gestionnaires.
Non seulement le paysage administratif est incompréhensible et illisible pour le citoyen (ou plutôt l’usager, devenu client, qui doit désormais disposer des moyens financiers et technologiques pour accéder à un ou à des services publics) mais les dotations publiques consenties à ces nouveaux établissements publics sont telles que leur montant total revient à des coûts bien supérieurs à ceux attribués aux ministères et administrations républicaines de 2008.
De l’égalité républicaine pour chaque citoyen à … l’inégalité généralisée selon les ressources du client :
Les réductions des dotations publiques ont entraîné le besoin pour ces nouveaux établissements de développer des ressources propres pour fonctionner (et pour mettre en œuvre des décisions « étonnantes », bien éloignées des objectifs ayant prévalu à la création, en toute hâte, de ces agences). Cela se traduit par une augmentation du coût global pour le client.
La mise en place de péages sur toutes les routes gérées par « Routes de France » et sur plusieurs routes départementales en 2010 et en 2011, l’examen du permis de conduire devenu payant (mais tous ceux qui peuvent se le payer le réussissent, tant pis pour la sécurité routière), les coûts des droits d’inscription pour toutes les études dès le secondaire comme ceux désormais nécessaires pour passer un concours ou pour obtenir un diplôme, la généralisation de numéros payants pour l'accès téléphonique aux services, sont autant de nouvelles charges pour l’usager.
Les administrations de l’Etat étaient chargées d'assurer l'égalité de tous devant la loi. La logique nouvelle de rentabilité du service public et le transfert des compétences et des responsabilités de l'Etat à des agences incontrôlées ont fait éclater cette égalité constitutionnelle. Sur des pans entiers de la société, il n'y a plus de grandes politiques publiques en 2012, il ne reste que des choix intéressés conduits par l’intérêt particulier de structures indépendantes dont la survie dépend de leur profit annuel.
Les agences et les administrations emploient dorénavant des agents sous contrat précaire de droit privé qui ne sont pas en position de résister aux pressions administratives, économiques et politiques, rompant de fait l'égalité de droit des citoyens et des entreprises face au service public.
La création des agences et la série de mesures ayant conduit à privatiser notamment le service postal, la délivrance des cartes grises (aux concessionnaires), l'archéologie préventive, etc, ont entraîné la fin des prestations publiques égalitaires aux citoyens, aux professionnels, aux collectivités. Dans cette nouvelle « sphère marchande publique », il n’y a plus, par nature même, d’égalité de traitement.
Pour une entreprise, une collectivité, ou un citoyen, il faut désormais avoir les moyens financiers d’emprunter telle ou telle route, avoir les moyens financiers d’obtenir tels ou tels papiers administratifs, avoir les moyens de mettre en concurrence les différents « services aux publics » pour essayer de réduire ses dépenses. Les meilleurs services sont réservés au plus offrant.
La privatisation du contrôle des transporteurs (autocars, poids lourds) a multiplié par trois le tarif des contrôles. Les entreprises de transports suffisamment importantes peuvent bénéficier de conditions et de coûts de contrôles compétitifs en mettant en concurrence leurs contrôleurs sur appels d'offres européens, les autres, plus petits, subissent les monopoles locaux.
Plusieurs banques font de la publicité pour des prêts à taux réduits à l'attention des familles, seuls à même de leur permettre « d'accéder à des services de la vie courante » : cantine scolaire, études, crèches, aide à la personne,...
De plus en plus d'individus et de familles sont exclus de l'accès au service public !!!
Eloignement des services publics et des administrations… du citoyen :
Sous le prétexte d'une « simplification » porteuse « d'une amélioration du service public », cette réforme a supprimé les services de proximité :
- en 2012, il n’existe plus aucun service départemental de l'Etat ;
- des réformes comme celles des structures hospitalières, de la carte judiciaire, des fusions ANPE-ASSEDIC ou Impôts-Trésor ont éloigné d'autant plus les services publics des citoyens ; Il faut, pour ceux qui le peuvent, se débrouiller seul avec internet ou bien se rendre à la préfecture de Région pour rencontrer un représentant de l’Etat, par ailleurs bien impuissant à intervenir dans le pilotage d’agences autonomes ;
- les services locaux de Météo France ont été supprimés malgré les enjeux de sécurité civile ; idem pour ceux de l'Office National des Forêts (privatisé en 2012) ;
La RGPP et le rapport « service public 2012 » ont conduit à mettre en œuvre dès 2009 un 3ème acte de décentralisation en transférant aux collectivités territoriales plusieurs missions « à débarrasser du budget de l’Etat » (politique de l’eau, prévention des risques, urbanisme, gestion des monuments historiques, délivrance des cartes d’identité et passeports, AFPA transférée aux régions, etc). Mais la suppression de fait des communes (dépendantes des structures intercommunales) et des départements, renforcent encore cet éloignement des acteurs et des structures publiques.
Ne pouvant plus compter sur les services de l’Etat ni sur leurs conseils en toute neutralité ou leurs partenariats, les collectivités territoriales n’ont d’autre possibilité que de se tourner vers des sociétés privées, constituées dans la précipitation, en sachant très bien que les abus de position dominante en savoir-faire techniques déjà rencontrés et dénoncés sur l’alimentation en eau potable, l’assainissement, l’éclairage public, l’énergie et la collecte et le traitement des déchets par exemple, se généraliseront à tous leurs nouveaux domaines de compétences.
La fiscalité locale a poursuivi son ascension, augmentant ainsi les inégalités entre les collectivités et sur le territoire et grevant encore un peu plus le pouvoir d’achat des citoyens.
Les populations les plus aisées, refusant de payer « les services des autres », se regroupent dans des collectivités qui, ayant peu de dépenses sociales, peuvent pratiquer des prélèvements fiscaux faibles : la ségrégation territoriale s'accentue au détriment de la solidarité que l'Etat n'a ni les moyens ni la volonté d'assurer.
Faute de missions territoriales (les sous-préfectures et les services départementaux de l'Etat ont été supprimés en 2011), les actes de contrôles de l'Etat (marchés publics, installations classées, actes de construction,...) ont été « allégés », c'est à dire qu'ils ne sont plus réalisés, ou bien sont confiés à des opérateurs privés. Le contrôle des lois de la République est donc réalisé par des entités, du secteur privé, différentes d'un territoire à l'autre. Les contentieux se multiplient, au grand bénéfice d'agences privées, plus enclines aux arguties procédurales qu'à la défense de l'intérêt public.
Les architectes à qui les permis de construire ont été transférés en 2008 refusent désormais de les délivrer face à la multiplication des contentieux et laissent le juge décider. Le contrôle des installations industrielles n'est plus obligatoire. Cela renforce encore la judiciarisation de la société dans laquelle seuls ceux qui peuvent se payer les « ténors du barreau » peuvent encore agir.
Des missions publiques abandonnées :
En moins de 4 ans, la recherche publique a été réduite de moitié, l’offre technique publique de référence et l’ingénierie d’innovation ont disparu en France… en attendant une « bonne catastrophe ». Les entreprises françaises déclinent, faute d'avoir pu faire défendre leur savoir-faire dans les instances internationales de normalisation, et la compétence technique nationale s’appauvrit dans de nombreux secteurs.
Alors que l’aménagement du territoire et le développement durable nécessitaient un Etat fort et ambitieux, un Etat partenaire, opérateur, prestataire et stratège, la RGPP a réduit chaque ministère encore existant à un porteur de quelques « bonnes intentions », sans aucune capacité d’intervention. D'ailleurs, depuis 2009, l'aménagement du territoire n'est plus une politique de l'Etat : une Agence à la Compétitivité des Territoires a été instaurée pour « intensifier la concurrence entre les Régions ». Les parties du territoire en difficultés se désertifient et sont livrées à elles-mêmes. L'égalité républicaine n'a plus cours sur le territoire national.
Le fameux « Grenelle de l’Environnement » d’octobre 2007 n’a jamais été suivi d’effets (le gouvernement a amusé la galerie jusqu’en 2009 avec un « projet de loi » jamais promulguée). L'Etat n'a plus la capacité d'avoir une vision transversale et polyvalente sur le territoire. Au final, un constat pas très développement durable : deux années d’énergie dépensée pour ne brasser que du vent…
Les espaces naturels protégés sont gérés par les agences comme un patrimoine à faire fructifier : les revenus du tourisme spécialisé doivent couvrir les frais de gestion. Les investisseurs achètent des « droits à détruire ou à polluer » en finançant en compensation la protection et l'aménagement des sites à fort potentiel (touristique et économique). La biodiversité, qui n'a pas toujours la chance d'attirer le touriste, accélère sa régression...
Des centaines de sections d’enseignement (BEP notamment) ont été fermées depuis 2008. Dans celles qui subsistent, les programmes et les horaires ont été allégés afin de permettre de réduire le nombre des enseignants. La qualité de l'enseignement public s'est considérablement dégradée, au grand bénéfice des établissements privés et des cours particuliers. L'enseignement à deux vitesses est devenu une dramatique réalité, contre laquelle le gouvernement ne fait même plus semblant de lutter.
Des bases de défense nationale et de nombreuses implantations militaires ont été supprimées, générant notamment une faillite de nombre de PME et une aggravation du chômage dans les secteurs concernés.
En France en 2012, il n'y a plus de politique nationale organisant l'offre culturelle, soutenant la création ou préservant le patrimoine.
Les cliniques privées, choisissant leurs patients et les pathologies les plus lucratives à soigner, s'enrichissent au détriment de l'hôpital public qui, sous-doté en crédits et en personnel, assume seul les urgences, les interventions les plus lourdes, et la charge de l'enseignement de la médecine. L'hôpital public est devenu de fait « l'hôpital des pauvres » n'ayant pas les moyens de payer la mutuelle ou l'assurance complémentaire qui leur permettrait de couvrir les franchises et les dépassements d'honoraires, et de recevoir sans attendre des mois les soins de qualité dont ils ont besoin. La fermeture des hôpitaux de proximité s'est accélérée, éloignant le service public de santé des usagers qui doivent faire des trajets de plus en plus longs et coûteux pour accéder aux soins. Après des années de progression, l'espérance de vie stagne, et les démographes s'attendent maintenant à sa décroissance prochaine.
Ainsi, en 4 années, la mise en œuvre des décisions de la RGPP a détruit les fondements républicains sur lesquels était basée l’organisation de l’Etat et celle de la Fonction Publique. Moins de services publics mais plus d’inégalité sur le territoire national entre les usagers, entre les citoyens, entre les collectivités. Moins de présence territoriale et technique de l’Etat mais une puissance publique incontrôlée et incompréhensible avec un accroissement des difficultés à accéder aux soins, à l’éducation, à la justice et une augmentation de la fiscalité locale et des coûts supplémentaires pour chaque citoyen pour chaque activité courante nécessitant une mission de service public.
Que reste –t-il de la liberté lorsqu’il n’y a plus d’égalité et que l’on n’ose même plus parler de fraternité ?
C’est indéniable, en 2012 nous ne vivons plus dans la même République qu’en 2008. »
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Non, nous ne sommes pas le 1er janvier 2012 !
MAIS
nous pourrions y être plus vite que prévu, et dans de telles conditions, si nous ne nous opposons pas avec force contre cet avenir détestable que la révision générale des politiques publiques et ses auteurs veulent imposer au service public républicain.
Il est encore temps de changer le cours des évènements.
Pour que, en 2012, « service public » rime encore avec République !
Sur ces questions essentielles pour l’avenir du pays, pour l’avenir de tous,
véritables choix de société, nous refusons que le débat républicain soit escamoté.
Parce que tous les personnels du service public ressentent qu’un tel scénario catastrophe se construit actuellement,
Force Ouvrière appelle à la mobilisation de tous pour défendre le fondement égalitaire de notre République, le maintien des missions publiques et le renforcement du service public qu'il suppose.
Fin provisoire…